Depuis quelques semaines, on parle beaucoup de féminisme dans les médias. Notamment à cause de la magnifique série Les Simone de Kim Lévesque-Lizotte et aussi à cause du livre pour lequel je fais les relations publiques ces jours-ci: Les superbes de Léa Clermont-Dion et Marie-Hélène Poitras dans lequel Mitsou a aussi écrit un texte. C’est rare que je vous parle d’un sujet sur lequel je travaille, mais ce livre a changé un peu ma vie et ma façon de voir les choses.
J’ai longtemps pensé que je n’étais pas féministe. Je n’ai pas l’impression de vivre dans l’oppression. J’ai le droit de vote, je gagne bien ma vie. Aujourd’hui, j’aurais le droit de fréquenter une taverne si ça me tentait (not!), et je pourrais vivre sans homme pour l’éternité sans être perçue comme la vieille fille du village.
C’est en lisant l’essai de Léa et de Marie-Hélène que je me suis aperçue que j’étais pas mal plus féministe que je ne le pensais. Les Superbes a comme thématique la relation des femmes avec le succès. En fait, j’ai constaté que si je ne me considérais comme pas féministe, c’était parce que j’ai reçu une éducation féministe sans que personne autour de moi ne s’affirme comme tel.
Le premier féministe dans ma vie fut… mon grand-père! Ancien lieutenant-colonel pendant la Deuxième guerre mondiale et banquier par la suite, il était respecté par certains et craint par d’autres. Très religieux, il était impliqué dans le diocèse de Chicoutimi et il était un grand donateur. C’est ce que j’ai appris plus tard, car de mémoire d’enfant, mon grand-père a toujours été en maudit contre l’Église. Plus tard, ma tante Suzanne m’a raconté que grand-maman avait fait plusieurs fausses couches et qu’un jour, le médecin lui avait signalé que si elle avait un enfant de plus, elle allait y rester. Monsieur le docteur lui a donc prescrit un moyen de contraception. Ma grand-mère, pieuse et encore plus catholique que le pape, est allée à la confesse et a avoué qu’elle devrait empêcher la famille. Elle fut excommuniée dès cet instant.
Cela a fait naître chez mon grand-père une rage sans nom et il a commencé sa bataille contre l’Église. Mais pas qu’une petite bataille: s’il allait à l’église le dimanche, il se plaçait au milieu de l’allée centrale et restait debout en fixant le prêtre, impassible. Il est allé revendiquer les droits de sa femme à tous les niveaux politiques de l’Église pour finalement avoir gain de cause. Ma grand-mère put retourner à la confesse, mais grand-papa, lui, ne leur a jamais pardonné. À son décès, quelques dignitaires religieux sont venus au salon funéraire. Un ancien évêque m’a dit qu’il avait toujours eu peur de mon grand-père parce qu’il aurait tout fait pour les femmes de sa vie (sa femme, ses deux filles et ses petites-filles).
De ce background familial, j’ai hérité de la confiance féministe et compris qu’il n’y a aucune différence entre moi et un garçon en termes de possibilités. J’ai étudié, je me suis trouvé une job, j’ai gravi les échelons et je suis devenue l’une des meilleures relationnistes au Québec. Mais en lisant le livre Les Superbes, je me suis aperçue qu’on avait encore quelques combats à livrer. Encore, en 2016, le succès d’une femme dérange.
Quand je date un homme et qu’il me demande ce que je fais dans la vie, je réponds. Pourquoi j’aurais honte? J’ai travaillé fort et j’ai réussi. Pourtant, la question qui revient presque tout le temps après quelques verres, c’est: Avec qui as-tu couché dans tes clients? Comme si, pour réussir, j’aurais dû m’allonger sur un matelas. Le pire, c’est que quand je réponds que ça ne m’est jamais arrivé parce que j’ai une éthique très stricte, on me répond: Ben oui… sur un air de je ne te crois pas.
Le succès dérange. Un homme m’a déjà flushée parce que j’avais plus de 1000 amis sur Facebook. Il ne pouvait pas accepter les relations que je dois entretenir pour le travail. Et un autre m’a déjà dit : C’est normal que tu réussisses, t’es belle, on ne t’engage pas parce que tu es intelligente. Je crois que cet homme voulait être gentil, mais ça m’a blessée quand même. Ça ne lui a pas effleuré l’esprit que si j’ai réussi, c’est probablement parce que j’ai de la rigueur, des idées et du jugement.
Entre filles, nous ne sommes pas toujours mieux. J’ai une amie qui m’a dit de cacher ce que je fais dans la vie pour ne pas faire peur à un gars. Ce que j’ai refusé. Je ne veux pas d’un homme qui est incapable de vivre avec ma réussite. Point.
Je vous parle de féminisme aujourd’hui, car ça fait un an que j’écris sur mes rencontres et le célibat. Dans les commentaires que je reçois, on m’écrit parfois que depuis l’avènement du féminisme, on ne peut plus aborder les femmes. Là, je vous arrête tout de suite. La séduction n’a rien à voir avec le féminisme. Si une femme tourne les talons, c’est peut-être qu’elle a été maladroite ou que vous l’avez été. La séduction et la compatibilité, c’est surtout une question de chimie, de goût et d’affinités. Point.
J’avoue que le terme égalité entre les sexes m’a toujours un peu énervée. J’ai toujours eu un peu de difficulté avec le mot égalité. Nous ne pouvons être égaux, car nous avons des différences biologiques. Mais nous sommes complémentaires. Je crois à l’équité entre les sexes, une justice naturelle qui se base sur les droits de chacun. L’équité est pour moi plus forte que l’égalité, car elle reconnaît les forces des individus.
L’égalité a été la planche de salut de nos prédécesseures qui ont milité pour le droit des femmes afin qu’elles aient le contrôle de leur corps et leurs actions ainsi que le droit de voter, d’être éduquées, de travailler. Aujourd’hui, revendiquons l’équité, sans contrefaçon. J’écris ce texte pour les jeunes filles qui deviendront un jour des femmes. Après ma lecture, je me suis dit ceci: J’étais féministe sans le savoir et aujourd’hui, je suis une Superbe.
Et j’en suis fière!