Quand tu vis en solo, tu deviens souvent la personne sur qui on peut compter en toutes circonstances. En fait, les gens autour de toi te perçoivent ainsi, même si bien des fois, t’es la personne ayant le moins de disponibilités au monde. C’est certain que nos obligations sont différentes et que nos horaires sont plus flexibles, mais il n’est pas vrai que nous attendons en tout temps que le téléphone sonne pour courir tous azimuts sauver la vie de tout le monde. Ben non… ce n’est pas vrai.
C’est un point très sensible sur lequel j’ai dû un jour intervenir auprès de ma famille et de mes amies. Oui, je serai toujours là pour vous, mais avant de prendre des décisions, veuillez m’en avertir. Il est vrai que la personne qui vit en solo a, en apparence, plus de liberté. Mais la notion de liberté est vaste et a le dos ben large, car comme le reste du monde, on a des obligations et des jobs. Oui, moi aussi je dois aller m’acheter du papier de toilette de temps en temps. En fait, j’ai l’impression que je passe ma vie à essayer de trouver du temps pour effectuer cette récurrente tâche non intéressante. Et lorsqu’on a des cases horaires vides, ben on essaie de les remplir parce que rester chez soi à regarder les murs n’est pas la plus gratifiante des activités du monde.
Mais souvent, les gens qui nous entourent pensent qu’on ne fait rien de notre temps et qu’on attend seulement qu’ils sortent le drapeau pour faire ENFIN une activité avec eux. Les premiers avec qui j’ai dû rectifier le tout furent les membres de ma famille. Mes parents habitent toujours au Lac-Saint-Jean. Aux deux mois, ils viennent nous visiter. Ma mère s’organisait avec ma sœur. Il est vrai que ma sœur a deux enfants à gérer, un chum, des obligations et tout le reste. Il est vrai que son emploi du temps est beaucoup plus fourni et moins flexible que le mien. Donc, ma sœur et ma mère convenaient d’une date. Pis après? Ben, elles oubliaient de m’en parler. Je me retrouvais donc devant le fait accompli. J’ai souvent appris la visite de mes parents seulement quelques jours avant en recevant un courriel de ma mère ou de ma sœur qui disait : on se voit vendredi?
HEIN????? C’est peut-être égoïste de ma part, mais ça me peinait que personne n’ait eu l’idée de se demander si la date me convenait à moi aussi. On tenait pour acquis que j’allais être libre et que pour moi, il n’y avait pas de problème.
Ensuite, j’ai dû parler à quelques amies. Aussitôt qu’elles avaient un petit éclair de liberté, elles m’appelaient. Et si je ne pouvais pas me libérer, ben elles me faisaient sentir coupable et remettaient en question l’engagement que j’avais ce soir-là. Comme si ça n’avait aucune importance à leurs yeux. HEY, POUR UNE FOIS QUE JE SUIS LIBRE, PROFITES-EN!! Il y avait aussi le fait que quand on se voyait, c’était pour elles un moment de pleine liberté où les partys animals en elles clamaient haut et fort leur envie de faire la fête. Car dans leur tête, quand on se voyait, j’étais encore au même point que lorsque nous nous fréquentions à l’âge de 20 ans : une fille dont l’ultime but dans la vie était de faire la fête non-stop. Ce qui, comme pour la majorité des adultes responsables, n’est plus vraiment le cas. Donc, quand je voyais mes amies avides de liberté, j’avais une heure top chrono pour avoir de leurs nouvelles et savoir un peu comment elles allaient. Ensuite, la lucidité prenait le champ laissant choir dans le bac à recyclage quelques cadavres qui furent jadis des bouteilles de vin. Les soirées se terminaient généralement tôt, et souvent avec moi qui tenais les cheveux d’une amie pendant qu’elle vomissait sa vie. Vous dire à quel point j’avais du fun… vous dire… (lire ici : pas du tout)
Un jour, je me suis écœurée. Carrément. J’ai d’abord appelé ma mère et ensuite ma sœur pour leur expliquer comment je me sentais lorsqu’elles prenaient des décisions sans m’en parler, à quel point je me sentais comme quelqu’un qui n’avait pas une vie assez importante à leurs yeux. Les deux se sont confondues en excuses. Ma mère m’a même dit que j’avais raison. Sans me concerter, elles croyaient les deux que pour moi ce serait correct. Nous avons donc convenu que ma sœur et moi allions désormais nous parler de nos week-ends libres et que nous proposerions ensuite des dates à notre mère. Depuis, c’est avec le plus grand des plaisirs que je profite pleinement des visites de mes parents.
Ensuite, ce fut au tour de mes amies. J’ai dû expliquer que ça me fait vraiment plaisir de les voir, d’être avec elles et surtout, de partager nos vécus et notre vie, mais que si elles m’appellent à 16h pour savoir si je suis libre à 17h parce qu’elles, elles ont du temps, ben ça se peut que moi je ne puisse pas. Et si c’est le cas, elles ne doivent pas me faire sentir coupable. Car je sais que les temps libres sont rares pour elles et que quand vient un 15 minutes de liberté spontanée, elles veulent en profiter en excès de toutes sortes, parce qu’elles veulent rentabiliser au maximum le moment qui leur est alloué. Je comprends tout à fait, mais ce n’est pas mon cas. Désormais, si elles veulent qu’on prenne du temps ensemble, si elles veulent qu’on se voit, ben on va devoir le planifier pis pour ça, elles devront apprendre à prendre un peu plus de temps pour elles. Pis non, ma vie n’est pas un long party sans fin. Je ne fais pas plus d’excès qu’elles en vérité, car les lendemains de veille, très peu pour moi, merci.
J’ai une amie dont je n’ai plus jamais eu de nouvelles. Elle était restée silencieuse tout au long de mon discours. J’ai trouvé ça triste au début, après je me suis dit que cela ne m’appartenait pas. Pour les autres, ce fut non seulement un succès, mais un genre de renouvellement de nos vœux d’amitié. Maintenant, on planifie, on va au spa, on cuisine ensemble, on fait des activités autres que du tout croche à la dernière minute. On prend enfin du temps de qualité ensemble. Pis quand on se quitte, c’est chacune sur un nuage que nous retournons à nos vies respectives.
Tout ça pour dire que pour avoir une belle vie en solo, il faut souvent remettre les pendules à l’heure auprès de notre entourage afin de lui expliquer que notre vie est aussi importante que la leur. Oui, elle est différente, mais dans cette différence il y a aussi le principe de quelque chose qui a été construit et conçu pour que nous puissions vivre heureux seuls. Que le cliché de la vie de célibataire, celle d’une éternelle adolescente, est faux et que l’équilibre existe aussi finalement dans une vie en solitaire.