Ma coanimatrice Léa Clermont-Dion a des projets à n’en plus finir. En plus d’interviewer des femmes inspirantes pour Mitsou et Léa, elle poursuit cet automne son doctorat à l’Université Laval sur la cyberviolence faite aux femmes et lance cette semaine avec la journaliste Marie-Hélène Poitras un livre sur l’ambition au féminin et l’égalité entre les sexes dans le milieu du travail. Et elle n’a que… 25 ans!
Les Superbes, c’est un échange de lettres entre Marie-Hélène et Léa sur le féminisme moderne, truffé d’entrevues avec des battantes de tous les âges et de tous les milieux, comme Louise Arbour, Pauline Marois, Me Sonia Lebel, Marie-Mai, Coeur de pirate, Joanne Liu, Mariloup Wolfe et Fabienne Larouche. Il s’agit d’un collectif féministe visant à inspirer les femmes et à maximiser leur talent dans toutes les sphères de leur vie.
Mais qu’est-ce qu’une superbe? Léa s’est fait tatouer le mot superbe à l’intérieur de son poignet et ce n’est pas de l’autoflatterie! Sa définition dans le dictionnaire est l’assurance qui se manifeste par l’air, le maintien, la prestance. Qui est plein de magnificence et donne une impression de grandeur. Contraire à l’humilité.
Voici, juste pour vous, le texte que j’ai pondu et qui se retrouve dans le bouquin.
Commencer sans eux
« Où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir », dit le proverbe. Je dirais aussi qu’où il y a de la gêne, on ne trouve pas le succès. Une amie perdue dans les limbes professionnels me demandait récemment de la guider, alors je lui ai dit de commencer sans eux. Il faut commencer sans l’approbation des autres, sans leur demander la permission. Entreprendre sans tarder ce que l’on désire réaliser, pour que notre vision puisse se concrétiser, car rien n’est plus remarqué que la volonté. Elle captive, fascine, intéresse. Mais qui dit volonté dit aussi inconfort et douleur.
Rien n’est plus difficile que de se mettre en péril, de courir un risque. Les femmes sont plus prudentes. C’est peut-être physiologique. (On s’économise pour la vraie douleur, celle des naissances et des grippes de femme.) Nous désirons protéger notre corps, notre famille et notre nid. Comment, alors, accepter de se mettre en situation de danger ou envisager le dépassement de soi sans crainte?
Il nous faut, devant chaque défi, apprivoiser nos limites. Comme en yoga, où, dans le même mouvement, on apprend à maximiser le potentiel de son corps et à s’enraciner au plus profond de son être. Il devient alors possible d’observer les difficultés qui se dressent devant nous. Il faut apprendre à respirer et à s’ouvrir chaque fois un peu plus pour explorer l’inconnu. Quand on rencontre une résistance, plutôt que de s’autoflageller, on l’accepte et on se pardonne. Facile à dire, mais pas facile à faire ! En affaires aussi, il faut apprendre à se pardonner, car les erreurs sont nécessaires pour évoluer. Il faut cesser de s’excuser une fois pour toutes.
Les garçons s’approprient la volonté, et les filles, la politesse, et cela dès la cour d’école (ballon chasseur, anyone ?), mais il s’agit de s’emparer du ballon une seule fois pour sentir l’adrénaline monter. J’ai déjà attendu que le téléphone sonne et qu’on me donne ma chance. J’ai parfois cru, découragée, que ma volonté me glissait entre les doigts comme du sable chaud. J’ai en revanche souvent eu l’instinct de commencer sans eux. Et je l’ai fait, avec ma façon unique de voir les choses.
Au début de ma carrière, j’ai patenté un démo et un clip avec pour seule ressource un chapeau de cow-boy qui sortait de l’ordinaire. Il y a quelques années, j’ai imaginé de lancer un magazine pour le Web, Mitsou.com, alors qu’aucun diffuseur ne pensait à m’engager. Je suis sortie du lot, et je suis allée à la rencontre des autres. Chaque fois, je me suis aperçue qu’il suffisait que je bouge pour que tout s’enchaîne.
Le monde a besoin de précurseures, de créatrices, de gestionnaires et de championnes de tous les milieux. Les femmes qui dépassent leurs limites en restant intègres sauront en toucher des milliers d’autres et contribueront au rayonnement de toutes les superbes volontaires de la planète.
Mitsou Gélinas