Marianna Mazza, Judith Lussier, Manal Drissi. Trois noms que vous connaissez peut-être, car ce que sont des femmes d’opinion présentes dans les médias. Pourquoi parler d’elles aujourd’hui? Parce que cette semaine, les trois se sont prononcées sur des évènements d’intimidation qu’elles ont vécus. Même que deux d’entre elles Manal et Judith ont décidé de mettre fin à certains de leurs engagements professionnels.
Il y a aussi Geneviève Pettersen qui a quitté son poste de chroniqueuse pour Châtelaine la semaine dernière. Ce n’est pas parce qu’elles sont faibles, blasées ou incompétentes. Non! Elles ont décidé de se retirer pour se protéger d’une haine bien trop souvent présente sur les médias sociaux. Sage décision pour leur bien-être, mais il est difficile de ne pas trouver déplorable que cela se produise si fréquemment.
Je me rappelle également Véronique Cloutier, cette chouchou du public, qui disait en entrevue recevoir plusieurs commentaires désobligeants tant sur ses projets que sur son apparence. Elle reconnaissait que cela fait partie du métier, mais cette situation semble tout de même préoccupante. Marilou de Trois fois par Jour en a également été souvent victime. Pourquoi cette tolérance sur le traitement injuste que les personnalités publiques peuvent recevoir?
La cyberintimidation c’est pour tout le monde
Selon le SPVM, la cyberintimidation est le fait d’harceler une personne ou de tenir à son endroit des propos menaçants, haineux, injurieux ou dégradants, qu’ils soient illustrés ou écrits.
La cyberintimidation est souvent associée aux adolescents qui peuvent parfois avoir des échanges nocifs en ligne. Plusieurs cas de suicide suite à de l’intimidation sur les médias sociaux ont d’ailleurs été répertoriés. Il est donc évident que cette haine est malsaine et grandement dangereuse. Pourtant, il semblerait que lorsqu’il s’agit de personnalités publiques, cela ne s’applique plus. Attaques, injures, tout est permis.
Ne pas aimer les propos d’un individu qui s’exprime au micro, c’est courant. Être en désaccord avec les opinions d’un journaliste dans un média écrit est également possible. Mais depuis quand ces métiers sont une porte d’accès vers la déshumanisation? Ce sont pourtant des femmes, des maris, des pères, des mères, des filles, des fils, des sœurs et des frères tout comme nous. Alors pourquoi ces personnes n’auraient-elles pas également droit à la dignité, à l’empathie et surtout, au respect? Parce qu’elles l’ont voulu? Parce qu’elles savaient à quoi s’attendre? Parce que ça fait partie de la game? Recevoir des critiques et accepter de ne pas pouvoir plaire à tous est une chose. Être victime d’intimidation, et dans certains cas à répétition, c’est une tout autre chose.
Il est également important de réfléchir à cette malicieuse place qui est accordée aux femmes dans les médias. D’une part le public veut de la diversité et est fier de voir de jeunes femmes s’exprimer sans tabous tenir des propos rafraîchissants. De l’autre, il n’hésite pas à insulter ces jeunes femmes pour absolument toutes les sphères de leur vie professionnelle et personnelle. Mais ça ne s’arrête pas là. Si elles ont le malheur de s’insurger contre ce traitement injuste, si elles décident de se défendre, alors c’est une pluie d’étiquettes négatives qui leur est imposée. Si ce sont des femmes d’opinion, on dit qu’elles sont frustrées, qu’elles ont du sable dans le vagin ou tout simplement qu’elles sont connes. Et cela, c’est la version soft. Comprenez-moi bien, des attaques gratuites et inutiles il y en a autant envers les femmes que les hommes. Mais les remarques sur la sexualité, les capacités parentales, l’apparence ou les états émotifs semblent davantage présents pour les femmes.
Même si la cyberintimidation est moins étudiée pour les adultes, on peut faire un parallèle avec le harcèlement au travail. Les individus qui la subissent peuvent vivre des symptômes dépressifs, des symptômes anxieux, une baisse de productivité, une baisse d’estime de soi qui peuvent mener au suicide.
Il y a des trolls sur Internet qui prennent un malin plaisir à écrire des méchancetés derrière la protection de leur écran. Il y a aussi plusieurs personnes qui ne réalisent pas la portée de leurs mots écrits et qui blessent les personnalités publiques sans le vouloir. En fait, à distance, on ne voit pas l’effet des agressions et certains se permettent ainsi d’aller encore plus loin dans leurs propos.
À une ère où les attaques peuvent être si virulentes sur des réseaux sociaux actifs en permanence, cette situation inacceptable doit d’être dénoncée haut et fort tant par les femmes que les hommes. Si, au contraire, vous n’y voyez rien d’inquiétant alors demandez-vous si vous souhaiteriez que vos enfants reçoivent ces mêmes commentaires. D’ailleurs quel genre de modèles sommes-nous pour eux? Quel genre de communauté en ligne honteuse leur donnons-nous l’occasion de voir?
La prochaine fois que vous aurez envie d’écrire un commentaire critique à une personnalité publique, demandez-vous si vous seriez capable de le lui dire en face. Si ce n’est pas le cas, alors votre commentaire est à retravailler. On dit souvent qu’il faut tourner sa langue 7 fois avant de parler, on devrait peut-être commencer à tourner notre doigt 7 fois avant de cliquer. Rappelez-vous que la personne qui le lira est un humain et que le fait qu’il soit connu n’y change rien.