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Aliénation parentale… une notion controversée

Aliénation parentale: deux mots utilisés souvent – trop souvent? – lors des conflits de garde d’enfant. Mais d’où vient cette notion et qu’en est-il?

Cette expression a été utilisée pour la première fois dans les années 80 par un psychiatre américain, Richard Gardner, pour décrire ce qu’il appelait un syndrome par lequel un parent éloigne l’enfant de l’autre parent.

Il introduit alors l’idée d’un syndrome d’aliénation parentale (abrégé en SAP). Ce SAP est décrit comme un trouble de l’enfant qui, de manière continue, rabaisse et insulte un parent sans justification. Selon Gardner, ce syndrome apparaîtrait en raison d’une combinaison de facteurs, comprenant l’endoctrinement («lavage de cerveau» et endoctrinement inconscient) par l’autre parent, les propres tentatives de l’enfant de dénigrer le parent ciblé et des facteurs environnementaux (source : Wikipédia).

Or, cette théorie a été très contestée et même les intentions de Richard Gardner ont été mises sous la loupe. Par ailleurs, aucune association psychiatrique n’a reconnu ce syndrome. Mais ce terme est souvent utilisé dans les litiges de garde et de jeunesse, et parfois un peu trop facilement.

L’influence du parent

Il est certain qu’un parent peut monter son enfant contre l’autre parent – nous avons vu de tels comportements devant les tribunaux à plus d’une reprise. L’enfant résiste alors à des contacts avec l’autre parent – refuse de le voir, de lui parler, et peut en effet donner des raisons peu sérieuses pour un tel refus: je n’aime pas sa sauce à spaghetti, il me force à faire mes devoirs, etc. Les enfants peuvent également être représentés devant les tribunaux par un avocat afin de faire valoir leur point de vue et expliquer leur refus.

Cette influence – qu’on peut appeler influence indue – peut être insidieuse. Voici un exemple d’un parent qui influence son enfant dans le jugement Droit de la famille 191450:

22 Le Tribunal remarque que les propos tenus par l’enfant Y sont calqués sur ceux de sa mère. Elle utilise les mêmes mots, fait les mêmes constats et reproches. C’est à travers le prisme de perception de sa mère que Y voit la situation. Madame partage avec elle sa vision des faits. Qu’elle le fasse de façon intentionnelle ou non, l’effet est le même, l’enfant véhicule ses positions.

Critiquer l’autre parent, le dénigrer directement ou indirectement, faire participer l’enfant au litige familial sont tous des comportements extrêmement dommageables pour l’enfant qui l’embarquent dans un conflit de loyauté. Lorsque la preuve démontre qu’un enfant est ainsi affecté, les tribunaux interviennent et peuvent même imposer des droits d’accès ou dans certains cas changer la garde de l’enfant pour assurer le lien avec l’autre parent.

Un drapeau vite soulevé

Cependant, trop souvent, dès qu’un enfant refuse un contact avec un parent, et ce, peu importe l’âge, le drapeau d’aliénation parentale est soulevé. C’est peut-être trop facile de mettre cette étiquette sans regarder la situation de plus près et sans analyser la dynamique familiale.

Il y a des enfants qui n’ont pas nécessairement une bonne relation avec un de leur parent, et ce, même dans une famille intacte. Si la relation père-fils était empreinte de conflit, de mésententes, de difficultés de communication alors que les parents étaient ensemble, comment penser qu’après la séparation des parents, cette relation serait soudainement saine et sans difficulté? Si un enfant de 10 ans se plaint déjà du conflit avant la séparation, comment prétendre qu’il doit soudainement accepter de vivre, par exemple, en garde partagée? Blâmer le parent gardien – par exemple, la mère – est un peu trop facile dans de telles circonstances et détourne le regard des difficultés relationnelles existantes avant la séparation.

D’autre part, il y a des enfants qui ont de la difficulté à vivre dans deux milieux différents. Ils vont choisir de former alliance avec un des deux parents afin d’éviter le va-et-vient suivant une séparation. Ce n’est pas tous les enfants qui s’adaptent facilement à la rupture de leurs parents et ils peuvent ainsi montrer une résistance à cette nouvelle réalité. Également, un enfant peut former alliance avec le parent victime de la séparation et rejeter le parent qui a décidé de mettre fin à la relation, dans le but de le punir pour avoir fait éclater la famille.

Et qu’en est-il lorsqu’il y a de la violence dans la relation? Pourquoi conclure que lorsqu’un parent soulève un comportement violent chez l’autre parent, cela constitue automatiquement de l’aliénation parentale? Pourquoi utiliser les termes d’un soi-disant syndrome qui n’existe pas dans la littérature scientifique? Femmes et droit, une coalition de 250 organismes de défense des droits des femmes, vient justement de demander au ministre fédéral de la justice de modifier la Loi sur le divorce pour interdire l’utilisation de l’aliénation parentale dans les litiges familiaux, une action toutefois contestée par l’organisation Carrefour Aliénation parentale.

La violence conjugale est une violence insidieuse qui a rarement des témoins, car cela se passe dans l’intimité de la vie familiale, surtout lorsqu’aucune blessure physique est apparente. Il est très facile pour l’agresseur d’accuser l’autre parent d’aliénation parentale dans le but de détourner l’argument de violence et d’exercer un contrôle sur son ex, justement par le biais de l’enfant et une demande de garde. Sans compter le fait que l’agresseur va souvent utiliser l’enfant comme messager pour ainsi se victimiser: Je veux te voir, mais Maman ne veut pas. Maman a menti aux policiers… Ce n’est pas moi qui ai demandé la séparation…

Est-ce qu’il existe de fausses accusations de violence? Certainement. Est-ce que certaines femmes vont cacher la violence subie à cause de la honte? Certainement. La fréquence des accusations d’«aliénation parentale» mène même des avocats à recommander aux victimes de ne pas mentionner la violence conjugale commise par le père.

Lorsqu’un enfant refuse de voir un parent, lorsqu’une mère soulève la violence, il ne faut surtout pas rester sur de premières impressions, mais plutôt vérifier les allégations et creuser un peu plus loin pour comprendre la dynamique familiale et protéger les victimes de cette violence. C’est le devoir des intervenants à tous les niveaux de vérifier les faits avant de sauter aux conclusions et avant d’accuser la victime de violence d’un syndrome inexistant.

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