Dans la ville où tout est dispendieux, Los Angeles, on peut visiter gratuitement la Villa Getty, imaginée par l’homme le plus riche de l’histoire du monde, J Paul Getty. Juché sur le flanc du bord de mer à Pacific Pallisades, le magnat du pétrole a fait construire la réplique d’une villa Romaine. N’imaginez pas que l’on y découvre ici la chambre à coucher de celui qui fut le premier milliardaire. Cette villa est plutôt un musée bordé de magnifiques jardins où l’on retrouve des œuvres de l’empire romain (et quelques répliques) que le collectionneur et sa fondation ont acquis tout au long de sa vie.
Pour la petite (ou la grande) histoire, J Paul Getty, un Américain, fut le premier à réussir à extraire le pétrole du désert saoudien au début des années 1950. L’homme d’affaire radin, mais amateur d’art, avait eu un jour une intuition : il avait ressenti en visitant des ruines romaines, qu’il avait déjà vécu dans la peau d’Hadrien, un empereur de l’époque du 2e siècle. Il avait tenté par la suite d’acheter au gouvernement italien une découverte archéologique, la Villa des Papyrus, qui avait été autrefois ensevelie par l’éruption du Mont Vésuve, mais les autorités n’avaient évidemment pas accepté. C’est pourquoi il s’est fait construire une réplique à Los Angeles dans les années 70. À sa mort, on a transféré la majeure partie de sa collection d’antiquités là-bas pour en faire un centre culturel.
J Paul Getty aimait, semble-t-il, beaucoup plus les objets d’art antique que les humains. Il a d’ailleurs laissé son héritage à la fondation Getty plutôt que de le disperser à la famille. C’est pourquoi les amateurs d’art entrent sur le site gratuitement et qu’on y donne des cours pour pas un sous rond. La fondation paie même des autobus et des tuteurs pour que les enfants des écoles défavorisées de Los Angeles puissent y avoir accès. Des visites guidées sous plusieurs thèmes sont présentées à différentes heures de la journée. Les visites du jardin, les vases antiques, la mode au temps des romains… Les amateurs d’architecture peuvent même y passer des heures à apprendre sur la conception du bâtiment historique ou les ornements de la villa. Nous avons préféré nous y rendre à la fin de la journée alors qu’il faisait moins chaud, pour en savoir plus sur les points forts des œuvres présentées, comme la statue de Hercules, plantée seule sur son ilot, ou le jeune victorieux, une statue de bronze qui qui fut retrouvée par un pêcheur dans l’Adriatique après avoir passé plus de 2000 années dans l’eau et qui est aujourd’hui conservée dans une chambre hermétique à humidité contrôlée. Getty avait tenté de se la procurer en Allemagne dans les années 60 pour 3.8 millions de dollars mais le prix n’avait pas été accepté par le vendeur. Quand Getty est mort à 77 ans, c’est la première œuvre que ses exécuteurs testamentaires ont achetée en son nom. La saga ne s’arrête pas là. L’Italie a tenté maintes et maintes fois de rapatrier l’œuvre, mais en vain.
C’est aujourd’hui l’une des raisons pour lesquelles la Villa Getty est considérée par certains comme étant le plus grand institut artistique au monde, tout en étant teintée de controverse.
La villa comprend également une section d’art moderne qui fait le lien entre les collections antiques et l’art contemporain avec l’exposition Plato in LA: Contemporary Artists’ Vision et présente l’impressionnante œuvre Play-Doh de Jeff Koons qui ressemble effectivement à un tas de pâte à modeler géant mais qui évoque en fait la philosophie de Platon.
Si vous voulez en connaître plus sur l’homme et ses valeurs (pas si riches à mon avis), le film All the money in the world présente une époque peu brillante de sa vie, celle où son petit-fils Paul fut kidnappé en Italie au début des années 1970. Getty refusait alors de coopérer, ou de payer aux ravisseurs la somme de 17 millions de dollars demandée. Une somme qu’il gagnait rapidement, juste en collectant les intérêts sur sa fortune. Il acceptera enfin de payer 3 millions dont la majeure partie était déductible d’impôt, une exigence du milliardaire. Note intéressante ici : le réalisateur Ridley Scott avait dû remplacer Kevin Spacey qui venait d’être accusé de harcèlement sexuel juste après le tournage du film. C’est Christopher Plummer qui le remplaça à pied levé. La production a dû reprendre toutes les scènes où le magnat du pétrole était représenté. Un ajout coûteux pour représenter un homme qui n’aimait dépenser un sou… à part pour l’art!